L’écrivain Kamel Daoud est visé par deux mandats d’arrêt internationaux émis par l’Algérie. Depuis le début de l’année, le franco-algérien et lauréat du prix Goncourt 2024, est au cœur d’affaires judiciaires à dimension internationale. C’est le tribunal d’Oran qui aurait lancé deux mandats d’arrêt à son encontre, en lien avec son dernier roman Houris, publié en France en 2024 mais interdit en Algérie. Le ministère français des Affaires étrangères a confirmé l’existence des mandats et affirmé suivre la situation avec attention. Voici cinq éléments clés pour mieux comprendre le parcours de Kamel Daoud et les enjeux entourant l’affaire.
1. Un écrivain reconnu et plusieurs fois récompensé
Né en 1970 à Mostaganem, dans l’ouest de l’Algérie, Kamel Daoud découvre très tôt la littérature et poursuit des études en lettres françaises. Il commence sa carrière littéraire dans les années 2000. En 2013, il publie Meursault, contre-enquête, une réécriture du roman L’Étranger d’Albert Camus, du point de vue du frère de « l’Arabe » tué par Meursault. Le livre connaît un large succès critique et reçoit plusieurs prix, dont le prix Goncourt du premier roman en 2015.
En 2024, son ouvrage Houris est récompensé par le prix Goncourt. Ce roman retrace l’histoire d’Aube, une femme algérienne marquée par les violences de la guerre civile des années 1990. À travers ce récit, l’auteur aborde des thématiques liées à la mémoire collective, à la condition féminine et aux séquelles du conflit. Avec ce prix, Kamel Daoud confirme sa place parmi les auteurs francophones majeurs de sa génération.
2. Une longue carrière dans le journalisme
Avant de se faire connaître comme écrivain, Kamel Daoud a exercé pendant plus de vingt ans comme journaliste au Quotidien d’Oran, l’un des principaux journaux francophones d’Algérie. Il y publie régulièrement des chroniques traitant de sujets politiques, sociaux et religieux. Il devient rédacteur en chef du journal et s’illustre par son ton direct et ses analyses critiques du régime politique algérien.
À partir de 2014, il commence à écrire pour des médias internationaux, dont Le Point en France. Il y publie des tribunes sur la société algérienne, l’actualité du monde arabe ou encore les rapports entre religion et modernité. Son travail journalistique lui vaut le prix Jean-Luc Lagardère du journaliste de l’année en 2016. Toutefois, ses prises de position suscitent également des critiques et des menaces, notamment sur les réseaux sociaux.
3. Une figure controversée en Algérie
Le parcours de Kamel Daoud est marqué par une réception contrastée de part et d’autre de la Méditerranée. En France, il est considéré comme une voix importante de la francophonie. Ses romans sont salués pour leur style et leur engagement. Des personnalités publiques ont pris sa défense lors des polémiques qu’il a pu susciter.
En Algérie, en revanche, ses écrits provoquent des réactions partagées. Si certains lecteurs saluent son regard sur la société et son succès à l’international, la plupart d’autres critiquent sa manière d’aborder certains sujets sensibles, comme la religion, l’identité ou la sexualité. Ces controverses ont contribué à alimenter un climat de tensions autour de ses publications. En 2024, son roman Houris est interdit au Salon du livre d’Alger, et l’auteur est retiré du programme.
4. Menaces et pressions liées à ses prises de position
En 2014, à la suite de déclarations sur la nécessité de repenser la place de la religion dans le monde arabe, Kamel Daoud fait l’objet d’une fatwa lancée par un imam à Oran. Ce dernier appelle publiquement à sa mise à mort. L’auteur porte plainte, et la justice algérienne condamne l’imam à une peine de prison, qui sera ensuite annulée en appel.
Face à ces menaces, Kamel Daoud choisit de réduire ses interventions dans les médias et décide de quitter progressivement l’Algérie. Il s’installe en France en 2017 et y obtient la nationalité française en 2020. Il continue néanmoins d’écrire, publiant régulièrement des tribunes dans la presse française et poursuivant son travail littéraire.
5. Deux mandats d’arrêt internationaux en lien avec son roman Houris
En ce début de mai 2025, deux mandat d’arrêt, émis par la justice algérienne, plane sur la tête de l’écrivain controversé. Les poursuites sont liées à son roman Houris, considéré par les autorités algériennes comme une violation de la loi sur la réconciliation nationale adoptée en 2005. Cette loi interdit toute évocation publique des événements de la guerre civile algérienne susceptible de nuire à l’image des institutions. Une association de victimes du terrorisme a également porté plainte, estimant que le livre évoque un épisode réel de manière inappropriée.
Par ailleurs, une femme algérienne accuse l’écrivain d’avoir utilisé des éléments de son histoire personnelle sans autorisation pour construire un personnage du roman. Kamel Daoud conteste fermement ces accusations, affirmant qu’il s’agit d’une œuvre de fiction inspirée de son expérience journalistique. En France, il a été convoqué dans le cadre d’une procédure portant sur le droit à la vie privée et une plainte pour diffamation.
Ses avocats dénoncent un « acharnement judiciaire » et affirment que les mandats d’arrêt sont de nature politique. Sa défense annonce un recours auprès d’Interpol pour faire annuler les notices rouges lui concernant.