Le verdict du procès en appel d’Aliou Bah est tombé ce mercredi 28 mai 2025. La Cour d’appel de Conakry a confirmé la peine de deux ans de prison ferme prononcée contre le président du Mouvement Démocratique Libéral (MoDeL). Accusé d’« offense et diffamation » à l’encontre du chef de l’État, le général Mamadi Doumbouya, le jeune opposant reste incarcéré à la Maison centrale de Conakry. Pourtant, ses partisans espéraient obtenir une relaxe. Tandis que le procureur général avait requis cinq ans de prison ferme à l’encontre du responsable politique.
En théorie, ce verdict met un terme à un procès très médiatisé, entamé en première instance devant le tribunal correctionnel de Kaloum, qui avait condamné Aliou Bah le 7 janvier dernier. Cette décision avait fait l’objet d’un double appel, aussi bien par le prévenu que par le parquet général. Ce dernier, représenté par le procureur Fallou Doumbouya, avait requis une peine plus lourde de cinq ans de prison.
Un procès sous haute tension
Le procès en appel s’est tenu dans un climat de forte tension sécuritaire. Ce mercredi, les forces de l’ordre ont quadrillé les abords du palais de justice de Conakry, interdisant l’accès à la salle d’audience à la presse, aux diplomates et aux partisans de l’opposant.
Aliou Bah, arrêté le 26 décembre 2024 à la frontière guinéo-sierra-léonaise, avait été transféré à Conakry et placé sous mandat de dépôt le 30 décembre. Depuis, il est détenu à la Maison centrale. Il n’a jamais bénéficié d’une libération provisoire.
Une plainte portée devant la CEDEAO
Parallèlement à la procédure nationale, les avocats de M. Bah ont saisi la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Ils y ont déposé une plainte en février 2025, dénonçant plusieurs violations : atteinte à la liberté individuelle, à la liberté d’expression, d’opinion et de réunion.
La défense a demandé que l’affaire soit traitée en procédure accélérée. Les plaidoiries ont été entendues à Abuja, et la Cour a mis l’affaire en délibéré. Me Pépé Antoine Lamah, membre du collectif d’avocats, a précisé que la CEDEAO ne statue pas sur la culpabilité pénale, mais sur les violations des droits humains. Une éventuelle décision en faveur d’Aliou Bah pourrait toutefois influencer le traitement du dossier au niveau national.
Un climat sociopolitique de plus en plus fermé
L’affaire Aliou Bah s’inscrit dans un contexte sociopolitique tendu en Guinée. Depuis l’arrivée au pouvoir du général Mamadi Doumbouya par un coup d’État en septembre 2021, les libertés publiques se sont fortement réduites. De nombreuses voix critiques, qu’elles soient issues de la société civile, des médias ou de l’opposition, dénoncent un climat de répression et d’intimidation.
Le président du MoDeL avait, dans plusieurs sorties médiatiques et réunions politiques, accusé les autorités de violations des droits humains, pointé la disparition de figures civiles et militantes comme Foniké Menguè, Mamadou Billo Bah ou le journaliste Habib Marouane Camara, et mis en cause le silence des leaders religieux face à ces dérives.
Ces déclarations sont à l’origine des poursuites engagées contre lui. Mais pour ses partisans, sa condamnation illustre la volonté du régime de museler toute forme d’opposition. De leur côté, les autorités justifient leur action au nom de la préservation de l’ordre public.
Une affaire judiciaire qui n’a pas dit ses derniers mots ?
Après la confirmation de sa condamnation à deux ans de prison ferme, les avocats d’Aliou Bah pourraient porter l’affaire devant la Cour suprême de la Guinée. En parallèle, ils attendent le verdict de la CEDEAO, qui pourrait constituer un tournant. Alors que la liberté d’expression est de plus en plus restreinte en Guinée, ce procès apparait comme un symbole : celui d’un affrontement entre un pouvoir de plus en plus accusé d’autoritarisme et une opposition malmenée mais déterminée à faire valoir ses droits d’existence et de contre proposition, y compris devant les juridictions internationales.