Le tribunal correctionnel de Dar El Beida, situé à l’est d’Alger, a condamné, jeudi 27 mars dans la matinée, l’écrivain algéro-français Boualem Sansal à cinq ans de prison ferme, assortis d’une amende de 500 000 dinars (environ 3 730 dollars).
Lors de son procès, qui s’est tenu le 20 mars dernier, le parquet avait requis une peine de dix ans de prison à l’encontre de l’écrivain de 76 ans. Sansal faisait face à plusieurs chefs d’accusation, notamment « atteinte à l’unité nationale », « outrage à corps constitué », « pratiques de nature à nuire à l’économie nationale » et « détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays ».
Particularité notable, l’auteur a choisi d’assurer lui-même sa défense, renonçant à être représenté par un avocat. Devant le président du tribunal, il a nié toute volonté de porter atteinte à l’Algérie à travers ses publications. « Je n’ai fait qu’exprimer une opinion, comme tout citoyen algérien », a-t-il déclaré, tout en reconnaissant ne pas avoir mesuré l’impact de certaines de ses expressions sur les institutions nationales.
Une affaire au cœur des tensions franco-algériennes
Naturalisé français depuis 2024, Boualem Sansal se trouve aujourd’hui au centre des tensions diplomatiques entre Alger et Paris. Ces derniers jours, le président Emmanuel Macron et plusieurs membres du gouvernement français ont publiquement appelé à sa libération.
Ce nouvel épisode vient s’ajouter à une série de différends historiques et politiques entre les deux pays. Outre les questions liées aux archives et aux biens confisqués, l’Algérie réclame toujours des réparations pour les essais nucléaires français sur son sol et l’indemnisation des victimes. La reconnaissance des crimes coloniaux reste également un point de discorde majeur.
Les relations entre Alger et Paris se sont détériorées davantage depuis l’été 2024, après la décision de la France de reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. En réaction, l’Algérie a rappelé son ambassadeur à Paris et le président Abdelmadjid Tebboune a annulé une visite prévue en septembre 2024.
Escalade diplomatique
L’affaire Sansal, combinée au refoulement de migrants algériens, dont l’influenceur Doualemn, a attisé les tensions. Le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a évoqué à plusieurs reprises la possibilité d’un « rapport de force » face à Alger.
De son côté, le président Abdelmadjid Tebboune a dénoncé « des déclarations hostiles tous les jours de politiques français » et a jugé tout dialogue avec Emmanuel Macron comme « une perte de temps », évoquant le risque d’une « séparation irréparable ».
« Nous avions beaucoup d’espoirs de dépasser le contentieux mémoriel (…) mais plus rien n’avance, si ce n’est les relations commerciales. Le dialogue politique est quasiment interrompu », a-t-il déploré.
Le cas de Boualem Sansal pourrait donc marquer une nouvelle étape dans l’escalade des tensions entre les deux nations, déjà fragilisées par leur passé commun et leurs divergences géopolitiques actuelles.
LP avec AA