Si vous êtes guinéens ou vous vous intéressez tout simplement à l’actualité de la Guinée Conakry de ces derniers temps, alors vous avez forcement entendu parler de l’expression ”faute lourde” qui, à chaque fois qu’il y a un limogeage, une révocation ou une suspension d’un fonctionnaire, vient justifier la décision de la hiérarchie.
Pour aborder ce sujet, je commencerai par ce communiqué lu en début du mois d’Avril 2006 sur les ondes des médias d’Etat dont le contenu n’était autre que le limogeage du premier ministre Cellou Dalein Diallo pour ”faute lourde”. Le chef de la primature, en poste depuis le 9 Décembre 2004, est remplacé officieusement dans la plus grande opacité par le ministre d’Etat en charge des Affaires présidentielles, Fodé Bangoura.
Les années se suivent et se ressemblent !
Depuis l’arrivée au pouvoir du professeur-président Alpha Condé, les cas de ”faute lourde” se sont multipliés. Parmi les plus remarquables, nous avons entre autres :
En Mars 2011, les élus locaux (maires) des communes de Ratoma et Dixinn, deux de cinq communes de Conakry, ont été démis de leur fonction pour ‘’faute lourde’’, dit-on. Cette décision sera entérinée par la mise en place des délégations spéciales dans les communes respectives.
Au mois de Juin suivant c’est Thierno Saidou Bayo, chef du département information, communication et sensibilisation à la CENI (commission électorale nationale indépendante) version I, qui sera à son tour suspendu pour ‘’faute lourde’’ par son président, Louceny Camara.
En Octobre dernier, c’est Mme Mariama Tata Bah, le proviseur du lycée Général Lansana Conté de Labé qui vient allonger la liste.
Ensuite, l’arrêté du ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation, Alhassane Condé, publié à la veille de la fête de Tabaski annonce la suspension, voire le limogeage de Mme Oumou Kanté qui occupait jusqu’à ce jour le fauteuil de préfet de Pita, une ville située à 375 KM dans le nord-est de Conakry pour ‘’faute lourde’’ comme les précédents. Le 9 novembre, c’est au tour du gouverneur de Boké de tomber comme une pyramide de cartes. Ce lundi 19 novembre, ce sont plusieurs autorités administratives de Beyla, une préfecture située dans l’extrême sud-est du pays, notamment Amadou Kourouma, le préfet de la ville; Sékou Camara, le président de la délégation spéciale et Mamady Condé, le secrétaire général chargé des collectivités locales qui ont été révoquées, comme d’habitude, pour ‘’faute lourde’’. Deux jours plus tard, le 22 novembre dernier, c’est la RTG-Koloma (radio télévision guinéenne) qui a reçu la tempête qui fait trembler tous les fonctionnaires de l’Etat guinéen dans son passage. Fana Soumah et Mohamed Lamine Solano respectivement Directeur et Rédacteur en chef sont suspendus eux-aussi pour ‘’faute lourde’’ par le nouveau ministre de la communication, Togba Kpogomou.
Selon le ministre, cette décision est consécutive à la rétention de l’information dont seraient rendus coupables ces derniers. En effet, un communiqué du gouvernement relatif à l’affaire Baidy Aribot, du nom de l’ancien ministre des Sports que le doyen des juges du tribunal de Kaloum a auditionné la semaine dernière, et qui se dit victime d’un acharnement de la part du pouvoir actuel, n’a pas été diffusé par la RTG-Koloma.
Mais pour les deux journalistes, c’est une panne d’électricité qui est à l’origine du problème. Eh oui, la problématique d’électricité touche tous les secteurs.
Mais c’est qui certain ce qu’à la RTG rien ne surprend ! C’est le Japon de la Guinée. Sauf par miracle, le directeur ne reste pas jusqu’à célébrer son 1er anniversaire à la tête de la 2e chaine publique guinéenne.
En ce qui est de Solano, il doit plutôt se rappeler d’une de ses sorties dans l’émission ‘’les grandes gueules’’ diffusée à la Radio privée Espace FM où il n’hésita pas une seconde à reconnaître que la RTG est loin d’être un média au service de la population. Sans doute c’est ce jour-là qu’il a signé son arrêt de limogeage. Le média public que ce monsieur rêve voir, sa construction n’est pas pour demain.
Les religieux aussi commettent de ‘’faute lourde’’ hein…
Tout et son contraire est possible en Guinée pourvu qu’on y mette le prix. Les
religieux aussi ne sont pas en marge du phénomène. Abdourahmane Sylla, l’imam d’une mosquée de Dabompa, un quartier de la commune de Matoto a été suspendu de ses fonctions pendant trois mois par le conseil islamique communale pour ‘’faute lourde’’ après que celui-ci ait détourné la modeste somme de 850,000 Francs guinéens offerte par le leader du PEDN (parti de l’espoir pour le
développement national), Lansana Kouyaté lors d’une visité effectuée dans cette mosquée.
Mais qu’est-ce qu’une ‘’faute lourde’’ ?
La ‘’faute lourde’’ peut être définie par l’intention du salarié de nuire à son employeur. C’est la faute la plus grave, dans l’échelle de gravité des fautes. Il en est notamment ainsi des comportements tels que la violence, les atteintes à la pudeur, sabotage, dénigrement, vol, faux et usages de faux, etc.
Si la définition exacte de l’expression ‘’faute lourde’’ est connue, beaucoup sont ces citoyens qui ne comprennent jusqu’à présent pas de quoi sont reprochés ces fonctionnaires. A rappeler que ce ne sont pas seulement les travailleurs de l’Etat qui sont tombés à ce jour pour ‘’faute lourde’’. Certaines entreprises privées utilisent la même méthode pour s’en débarrasser de certains de leurs employés. Et aucune autre explication ne sera fournie.
Les coupables de ‘’faute lourde’’ ne méritent-ils pas une sanction proprement dite ? C’est à la justice de me répondre en faisant son boulot.
Aujourd’hui, les travailleurs et éventuellement les imams ont intérêt à connaître ce que c’est une ‘’ faute lourde’’ dès lors qu’ils souhaitent conserver leur poste. Sinon, je vous souhaite de bons repos messieurs !