A Conakry, les véhicules disparaissent !

Vue de Conakry par martapiqs
Vue de Conakry par martapiqs

Mon ami s’attendait à un début de matinée ordinaire, celui de rejoindre à bord de sa moto  l’institut de formation en informatique où il est élève depuis un certain temps. Malheureusement, le pire était déjà  arrivé. Ce matin-là, il se rend compte d’une réalité qu’il n’a jamais osée imaginer. La moto qui lui permettait de sillonner  tout Conakry en quelques minutes, et aussi celle qui attirait de nombreuses meufs vers lui n’est plus là où il l’avait garée. «Mon  Appache est partie la nuit dernière après que des inconnus se soient introduits dans notre concession», m’a-t-il dit au téléphone. En fait, c’est le troisième cas de vol qu’il vient d’enregistrer  ce mois-ci.

Le vol de véhicules est très récurent ces derniers temps à Conakry. Les victimes se comptent par centaines. Elles se multiplient au fur et à mesure que les  jours se succèdent.  Dans la même lancée, il y a également ceux qui sont tués sur le coup. La dernière en date à ma connaissance, un conducteur de taxi-moto froidement assassiné par des bandits en complicité avec le passager qu’il emmenait à Kountia, un quartier voisin de la capitale.  Le jeune homme a été tué d’une barre de fer sur la tête loin de toute aide. Ils l’ont frappé à tel point que ses parents ont eu du mal à le reconnaitre. A la dernière nouvelle, comme tous les faits similaires qui ont été antérieurement enregistrés, les coupables courent toujours dans la nature et aucune enquête n’a été ouverte pour l’instant.

Aujourd’hui, certains propriétaires de véhicules luxes en général de type 4X4 préfèrent les garer une fois le soleil s’éclipse du ciel guinéen, pour éviter d’être ciblés par des bandits qui se sont professionnalisés dans le domaine. Il y a quelques semaines, un commerçant a été tué par des bandits qui lui réclamaient les clés de son véhicule à Contéyah, un quartier de la banlieue de Conakry.   Les victimes sont souvent choisies par hasard dans les rues ; conséquence : le trafic routier devient fluide pendant la nuit, hormis les fêtes (Ramadan, Tabaski, 24 et 31 décembre).

Ces dernières années, la Guinée est plongée dans une situation d’insécurité grandissante, même le Président de la République n’est pas à l’abri, comme l’illustre l’attaque en Juillet 2011 contre son domicile. En novembre dernier, c’est la Directrice Nationale du Trésor, Mme Aissatou Boiro, qui fut tuée par des hommes en uniforme militaire en plein cœur de la ville.  Le Gouverneur de Conakry, Resco Camara, avait promis les jours suivants que les auteurs seraient arrêtés dans un bref délai. Mais jusqu’à maintenant aucune arrestation n’a eu lieu ;  on en parle d’ailleurs plus de cette affaire.

Les vols se font généralement en pleine circulation avec les braquages armés; pendant leur stationnement devant les hôtels, bars, restaurants, marchés;   ou encore lors des lavages. Et les véhicules dérobés sont rarement retrouvés, car non seulement il n’y a pas une brigade de la police spécialisée pour les recherches, (une chose est sûre : les forces de sécurité guinéennes sont mal équipées), mais aussi il y a ce qu’on appelle  «les casses», ces boucheries automobiles à ciel ouvert, où les engins piqués sont détachés par des spécialistes en vue de les revendre pièce par pièce. Les casses n’ont que des rentrées, mais pas de sorties !    Il y a également des bandes de trafiquants qui envoient d’autres dans les pays frontaliers comme le Mali, la Sierra Léone ou le Liberia pour les revendre.  Ils ne retourneront jamais en Guinée. Les motos venues de l’occident ou de l’Inde sont également dans le viseur de ces malfrats.

Ce fléau n’est pourtant pas nouveau. En 2009, sous le règne de la junte de Moussa Dadis Camara, certains diplomates et banquiers avaient fait l’amère expérience. Les ambassadeurs du Ghana et du Mali ont été victimes du  phénomène ; ils ont été dépossédés de leurs véhicules par des hommes armés de fusils automatiques.  Le directeur d’une banque primaire de la place a lui aussi perdu sa voiture lors d’un braquage.

Si vous estimez que votre voiture n’a pas de valeur pour qu’elle soit volée, autres choses pourraient les intéresser : la radio, les phares, les clignotants et les rétroviseurs. Alors pour  protéger la radio, je vous recommande de partir avec sa tête parce qu’au cas contraire ils n’hésiteront pas à voler en éclat les pare-brises uniquement pour la retirer.

La pauvreté, le chômage de jeunes et l’impunité dont jouissent ceux qui sont pris en flagrant délit font que le phénomène perdure. En effet, avec la complicité des certains membres des forces de sécurité qui leur fournissent des armes, ces hors-la-loi sèment la terreur. Et même lorsqu’ils sont arrêtés, quelques jours plus tard on les retrouve dans la rue. «Ils se sont évadés de la maison centrale», dit-on. Ils reviennent cette fois-ci avec la plus grande cruauté.

Ce climat d’insécurité  affecte considérablement les activités économiques. Par conséquent, certains pays occidentaux conseillent leurs ressortissants de ne pas se promener  la nuit  ou carrément de ne pas venir dans le pays bien qu’ils  ne sont pas directement visés au stade actuel.

Par cireass
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7 Commentaires

  1. Face cette situation et ces nouvelles pareilles j’ai peur de rentrée au bled. C’est sûre qu’après avoirs goûté à la sécurité en Europe c’est dure de faire fasse à une telle catastrophe. Merci pour cette article brillant et qui nous donne des infos pure Conakryka

  2. Ecoute Thierno, ton post illustre la réalité dans bien de capitales africaines. C’est vrai que la situation est entrain de s’empirer ici au Cameroun dans une ville comme Douala. Mais au début des années 2000, le gouvernement avait décidé de la muse sur pied d’un commandement opérationnel pour combattre le banditisme. Chacun jugera le bilan de l’opération mais toujours est-il qu’au moment où il était appliqué, la délinquance avait beaucoup reculé.

  3. Malheureusement qu’il en soit ainsi, et je partage la peine de ces pauvres victimes de cette forme de banditisme. Ici en Haïti, ce phénomène est très courant, notamment dans les grandes villes. Comme chez toi, les «sans pitié» se professionnalisent pour commettre leurs forfaits.

    • @William/@Osman Chez vous aussi c’est une triste réalité mais croyez-moi en Guinée, on a à faire à des spécialistes en vol que rien ne peut arrêter pour l’instant

  4. Malheureusement aucune décision n’est prise pour enrayé ce fléau. Merci Thierno pour ce brillant article !

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