Un nouveau rapport de la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) met à jour un scandale de corruption d’envergure impliquant l’ancien conseiller à la sécurité nationale du Nigeria, Sambo Dasuki. Selon l’enquête, des millions de dollars destinés à la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram auraient été détournés par Dasuki et investis dans de luxueuses propriétés aux États-Unis.
Des fonds de la sécurité nationale siphonnés
Sambo Dasuki, fils du sultan de Sokoto, a été nommé conseiller à la sécurité nationale en 2012 sous la présidence de Goodluck Jonathan. Sa mission était de coordonner la lutte contre Boko Haram, responsable de violences et de milliers de morts dans le nord du Nigeria.
Toutefois, des enquêtes menées par la police nigériane et l’Economic and Financial Crimes Commission (EFCC) ont révélé que Dasuki aurait détourné plus de 2 milliards de dollars destinés à l’achat d’armes et d’équipements militaires. Ces fonds auraient été canalisés vers des transactions frauduleuses impliquant le couple Robert et Mimie Oshodin, des proches de la famille Dasuki basés aux États-Unis.
Un empire immobilier bâti sur l’argent du Nigeria
L’enquête de PPLAAF, corroborée par Premium Times et le Washington Post, a mis au jour des documents bancaires et immobiliers reliant les Oshodin à de multiples achats de propriétés aux États-Unis. Entre 2012 et 2015, période de mandat de Dasuki, les Oshodin ont acquis pour plus de 24 millions de dollars de biens immobiliers de luxe à Los Angeles (Californie) et McLean (Virginie), à proximité de Washington, DC.
Le mode opératoire était simple : des fonds de la sécurité nationale nigériane étaient virés sur les comptes des Oshodin sous couvert de paiements pour des “services de conseil” et “opérations spéciales”. Une partie de cet argent servait à acheter des résidences somptueuses, dont un manoir de 9,5 millions de dollars à Los Angeles, payé en liquide en une semaine seulement après un transfert de 12 millions de dollars depuis le bureau de Dasuki.
Des transactions suspectes et des biens de luxe
L’enquête a aussi révélé que les Oshodin possédaient une fortune colossale en bijoux, antiquités et meubles de valeur. Parmi les pièces retrouvées, une bague estimée à plus de 3 millions de dollars.
Bien que Mimie Oshodin ait été arrêtée en juin 2019 et inculpée pour blanchiment d’argent, elle a plaidé non coupable et a été libérée sous caution. Son époux, quant à lui, est toujours hors de portée des autorités nigérianes.
Le Nigeria et les États-Unis face à un défi judiciaire
Depuis 2018, le gouvernement nigérian a sollicité l’aide des autorités américaines pour suivre et récupérer les fonds détournés. Toutefois, les mesures de contrôle du blanchiment d’argent aux États-Unis restent insuffisantes. Le marché immobilier américain est souvent pointé du doigt comme un “havre de paix” pour les fonds illicites provenant de fonctionnaires corrompus du monde entier.
En 2024, les États-Unis ont renforcé la réglementation en exigeant des sociétés de titres de propriété de collecter des informations sur les acheteurs, notamment lorsque les transactions se font en espèces ou via des sociétés écrans. Pourtant, cette réglementation tardive n’a pas empêché le couple Oshodin de continuer à opérer sur le marché immobilier.
Un scandale qui expose les failles du système anti-corruption
Le Dasukigate reste l’un des plus grands scandales financiers du Nigeria, illustrant à quel point les fonds publics peuvent être dilapidés au détriment des populations les plus vulnérables. Alors que Boko Haram multipliait les attaques, notamment l’enlèvement de 276 écoliers en 2014, des responsables haut placés auraient préféré bâtir un empire immobilier à l’étranger plutôt que de protéger leur pays.
Aujourd’hui encore, le Nigeria peine à récupérer ces actifs et à traduire en justice tous les responsables de ce vaste réseau de corruption. L’issue de ce dossier sera un test décisif pour l’engagement du pays à lutter contre l’impunité et la mauvaise gouvernance.