A Conakry, Kadhafi n’a pas dit son dernier mot

Colonel Kadhafi

Pour la petite histoire, Mouammar Kadhafi est un homme d’Etat, militaire de formation et idéologue politique  libyen. Il est né le 19 juin 1942 (à en croire sa biographie) à Qasr Abou Hadi, à 18 KM de Syrte. Officier des forces armées libyennes, il est arrivé au pouvoir à la suite du coup d’Etat de 1969, qui renverse le régime de la dynastie  Al-Sanoussi. En 1977, il réorganise les institutions politiques de la Libye en faisant du pays une Jammahiriya, littéralement :  un « Etat de masse » gouverné par le peuple lui-même selon un système de démocratie directe.

A partir de février 2011, son pouvoir, en place depuis 42 ans est secoué par une contestation populaire, que la répression va rapidement transformer en insurrection armée, puis en guerre civile. Après huit mois de guerre, il est tué le 20 octobre, dans la région de Syrte.   Ce qui devait normalement le faire disparaître des conversations publiques. Mais comme disent les historiens, « chacun fait l’histoire, mais l’histoire ne retient que le nom des grands hommes », alors  son nom ne s’esquivera jamais.

La nuit tombe sur Conakry, les habitants rentrent de leurs lieux de travail respectifs après une journée marquée par un soleil ardent et un vent quasiment à l’arrêt.      Comme à l’accoutumée, Ousmane et ses amis se retrouvent à cette heure pour préparer du thé ; ils discutent des problèmes de la vie quotidienne, et commentent les sujets qui font l’actualité dans le pays et ailleurs.  Ce soir-là, on débat de Kadhafi,           le guide,          le roi des rois,    l’homme qui croyait aux Etats-Unis d’Afrique…. Mais aussi   l’homme du siège de Misrata,      du massacre d’Abu Slim,  le parrain des rébellions en Afrique et du terrorisme  en occident,  etc.

Le ton monte très vite entre les protagonistes. Deux camps se forment : les pro (Ibrahim en tête) et de l’autre coté les anti (emmené par Boubacar),  avec la question principale de déterminer dans quel groupe (parmi les dictateurs ou les héros) doit être classé « le guide ».

Pour Boubacar, un étudiant en droit “le colonel Kadhafi n’a eu que ce qu’il méritait. Lorsqu’un chef met en tête qu’il est supérieur à tous ceux qui sont dans le pays, de l’Est à l’Ouest et du Nord au Sud, celui-ci ne mérite pas  que l’on s’inquiète du sort qui  lui  sera infligé. Je ne comprends pas ce qui peut justifier qu’un président reste au pouvoir pendant plusieurs décennies,  jusqu’à vouloir y mourir chef.  Quand les personnes nées sous ta direction se lèvent pour réclamer du changement dans la gestion de l’Etat, le mieux c’est de se retirer en toute tranquillité… ceux qui se sont révoltés contre Kadhafi voulaient vivre leur vie comme lui aussi voulait vivre la sienne il y a de cela quelques décennies.”, dit le jeune homme.

Ibrahim ne l’entend pas de cette oreille. Pour lui, “Kadhafi est l’un des rares chefs d’Etats africains ayant pensé au peuple en construisant les infrastructures de base telles que   des hôpitaux, des routes, des logements sociaux, des écoles sans oublier l’accès à l’énergie que beaucoup d’autres pays africains, comme le mien, peinent encore à résoudre. Et surtout l’autosuffisance alimentaire des libyens, pendant tout son règne est un acte salutaire. Celles-là sont des choses qui ne sont  pas arrivées tout à fait par hasard…Je ne vois en rien la nécessité   d’un changement contre le pouvoir du colonel”, croit-il, avant de continuer : «  c’est clair que cet événement a été planifié par les impérialistes, les néo-colonialistes qui voulaient piller les ressources de la Libye. C’est Sarkozy qui a fait tout ça. C’est bien qu’il soit parti lui aussi, sinon il allait détruire toute l’Afrique ! », conclut-il. “Alors qu’en pensent-ils (les occidentaux) de la Syrie d’Assad où la population meurt par centaines chaque jour ? Ils ne voient pas ça, ou bien les syriens sont juridiquement inférieurs aux libyens ? Je ne comprends rien” déclare-t-il, visiblement plus combatif que son adversaire.      Ce sujet n’est pourtant pas anecdotique à Conakry.  Une journée ne  passe pas dans un lieu public de la capitale guinéenne sans qu’on parle du feu Kadhafi.

Son histoire en  Guinée est différemment perçue.

La première RTG  (radiodiffusion télévision guinéenne) a été offerte par lui lors d’une visite qu’il a effectuée à Conakry, dans les années 1970.  En 2007, à l’occasion de sa tournée africaine qu’il a entamée par voie terrestre, il est venu ici en provenance du Mali ; et a passé une nuit dans la ville de Mamou, où il a prononcé un discours dans lequel il a déclaré appartenir à la cité.      Dans la foulée, il a promis la construction d’une autoroute reliant Conakry et Mamou, long de 270 KM.      Il a  aussi annoncé le financement de la construction des hôtels. Ces projets ne verront  jamais le jour. Le général-président d’alors Lansana Conté avec qui, ses relations n’étaient pas au beau fixe ne l’a pas laissé  faire grand-chose. Il y a eu annulation pure et simple de  tous ces investissements.

Au cours des années qui ont précédées sa chute, il est devenu très controversé. Avant, il jouissait d’une grande popularité auprès des guinéens.

En 2009, quelques mois après l’arrivée au pouvoir de la junte, le guide  invita son chef, le capitaine Moussa Dadis Camara, à effectuer une visite à Tripoli,  mais le voyage fut annulé à la dernière minute à cause d’un fameux “contrecoup d’Etat” qui serait en préparation, selon des sources. Au plus fort de la crise née du massacre du 28 septembre 2009, Kadhafi a ouvertement soutenu le régime militaire ; il y a même proposé sa médiation pour résoudre cette crise avant que cette proposition ne  soit refusée par la junte comme par les forces vives (opposition).  Depuis lors, de nombreux guinéens ont pris de distance avec lui.  Contrairement à la France, chez nous, on ne se demande pas si Kadhafi a financé ou pas la campagne électorale d’un parti politique.

Kadhafi, le tyran ou Kadhafi, le héros panafricain ?   Chacun a sa propre réponse.   Quant à l’intéressé, il est parti pour toujours !  

Thierno Diallo (@cireass)

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